- septembre 23, 2022
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« La FNPL va saisir le médiateur des relations commerciales »
Le président de la fédération nationale des producteurs de lait(FNPL), Thierry Roquefeuil annonce son intention de saisir les médiateurs des relations agricoles et de la coopération agricole pour éclairer les dysfonctionnements dans l’application de la loi Egalim2.
Quelles ont été les conséquences des canicules et de la sécheresse de l’été sur la disponibilité en fourrages et sur la production laitière ?
Thierry Roquefeuil : L’événement marquant cette année, c’est l’amplitude du phénomène dans le temps et l’espace. Dans ma région (le Lot, Ndlr), ce type de situation en été est devenu courant ces dernières années. Mais c’est la première fois que l’on observe une telle météo aussi longtemps et à l’échelle de tout le pays. Cela n’est pas sans poser des problèmes supplémentaires. Précédemment, dans les années sèches comme 2003, on pouvait mettre en place des échanges entre les départements affectés et ceux qui ne l’étaient pas. C’est impossible aujourd’hui. Dans une période où les exploitations manquent déjà de trésorerie, il va falloir en plus acheter un fourrage devenu rare et cher. Quant au rendement laitier, il est en baisse d’environ 4 litres par jour. Sur le long terme, il va être intéressant d’observer dans quelle mesure les éleveurs bénéficiant de bâtiments ventilé sont mieux résisté. Nous allons regarder avec l’Institut de l’élevage s’il y a des leçons à en tirer et si un plan de modernisation serait pertinent pour la filière.
À ce stade, la hausse des prix du lait enregistrée ces derniers mois compense-t-elle celle des coûts de production en France ?
TR : Non bien sûr. On constate toujours un écart très important, de l’ordre de 60 à 80 € en moins en France par rapport à la moyenne européenne. Or, lors de la dernière réunion du bureau de la FNPL, le 22 août, nous avons constaté une hausse de tous les intrants, matériels et services avec des factures d’engrais, notamment, parfois multipliées par deux. Une évolution sans commune mesure avec les +4 % à +6% des produits laitiers au consommateur et sans comparaison avec les hausses constatées dans les autres pays européens. Le problème, c’est que l’on a d’un côté un ministre de l’Agriculture qui défend la loi Egalim et de l’autre un ministre des Finances qui défend la grande distribution au nom de la lutte contre l’inflation. Comme nos produits sont parmi les plus visibles en magasin, c’est aussi dessus que se joue le plus durement la concurrence, au détriment des producteurs.
Vous avez pointé en juillet la responsabilité de la grande distribution dans le retard pris par la filière française à répercuter les hausses de prix. Envisagez-vous des actions à la rentrée ?
TR : Quelques actions de sensibilisation ont été menées cet été en régions en GMS pour les sensibiliser au prix du lait. Chez plusieurs de nos voisins, la brique de lait est passée en juillet de 0,99 € et 1,05 €. Il faut une évolution comparable en France à la rentrée. Je réunirai mes équipes la première semaine de septembre, et on verra si la distribution a réagi. Dans le cas contraire et si l’on reste à des tarifs de 0,70 € ou 0,72 €, on passera à l’action. Nous avons joué le jeu d’une loi en faveur d’une juste rémunération des producteurs, la loi Egalim2. Elle doit fonctionner. Je constate que ce n’est pas le cas aujourd’hui.
Envisagez-vous également des recours sur l’application de la loi ?
TR : Oui, nous avons décidé en bureau de saisir le médiateur des relations commerciales agricoles, mais aussi le médiateur de la coopération agricole via le ministre de l’Agriculture pour savoir si la loi est respectée et si elle ne l’est pas, par qui et pourquoi. Le problème que nous voyons apparaître, c’est que les contrats tiennent compte de la matière première agricole, mais aussi des coûts industriels. Pour la matière première agricole, il existe un cadre précis sur le juste retour aux producteurs. Mais les coûts industriels ne relèvent pas de la loi. Certains industriels se sont peut-être servis de l’évolution des prix du lait pour rémunérer prioritairement leurs coûts industriels, de main-d’œuvre, d’énergie, etc., mais pas les producteurs. Ce n’est évidemment pas l’esprit de la loi. Nous voulons savoir si la loi est appliquée et si le cadre répond à la réalité des négociations et au contexte d’inflation, ou s’il est inadapté. Dans d’autres pays, l’augmentation des charges a provoqué une augmentation mécanique des prix, mais pas en France, nous voudrions savoir pourquoi. Les deux assemblées, qui ont voté ces lois, devraient également se saisir de cette question.
Visez-vous particulièrement une entreprise ?
TR : Oui, nous mettons en particulier en cause le comportement de la coopérative Sodiaal, qui a dénoncé ses formules de prix au bénéficie d’un prix « politique ». Nous allons demander si la loi lui permet de déroger à la prise en compte des coûts de production. Cela permettra aussi de savoir si les clients de Sodiaal ont une part de responsabilité et laquelle. Au-delà, de ce cas, il est tout de même navrant de voir que des producteurs de lait vont abandonner cette production alors même que les produits laitiers représentent 4 milliards d’€ d’excédent dans la balance commerciale française…