• février 8, 2024
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Porc : une stratégie collective pour maintenir l’élevage

Porc : une stratégie collective pour maintenir l’élevage

L’interprofession s’est fixée pour objectif de préserver l’autosuffisance de la production française à l’horizon 2035. Parmi les moyens : en finir avec l’empilement des normes et faciliter les transmissions et reprises d’élevage. 

 

La filière porcine n’est pas épargnée par la perspective d’un décrochage historique. « La décapitalisation en cours est dramatique et reflète un découragement des éleveurs face au mur des contraintes à respecter », a expliqué Philippe Bizien, le président de l’interprofession nationale porcine (Inaporc) lors d’une conférence de presse qui s’est tenue à Paris le 1er février sur fond de crise agricole. « Une situation qui n’est en rien liée à la conjoncture », a souligné l’éleveur breton, l’année 2023 s’étant montrée favorable aux producteurs, avec des prix en hausse d’environ 10 % sur un an. La déprise actuelle est bien liée « à l’impossibilité pour les éleveurs d’investir sur leur élevage ou lors de la reprise d’élevages exploitants qui cessent leur activité », a poursuivi Philippe Bizien, qui a fustigé notamment « les recours systématiques » devant les tribunaux administratifs. 

La lutte contre l’accumulation des normes et leur surtransposition par la France est clairement la priorité de la filière porcine. Ses dirigeants réclament en particulier la réduction des délais d’instruction des dossiers administratifs, qu’il s’agisse de bâtiments ou de méthaniseurs, l’harmonisation des seuils d’évaluation environnementale avec les seuils européens ou encore la réduction des délais de recours contre les décisions ICPE*. Le vice-président d’Inaporc François Valy a insisté une nouvelle fois sur le récent accord relatif à directive sur les émissions industrielles (IED) qui pourrait voir le nombre d’élevages concernés « multiplié par quatre ou cinq » si celle-ci était adoptée en l’état. 

 

Préserver l’autosuffisance  

Pourtant, les besoins en investissement sont aujourd’hui très importants, ont relevé les dirigeants de l’interprofession, avec des bâtiments dont la moyenne d’âge avoisine les 25 ans. « Pourquoi empêcher un éleveur d’agrandir sa porcherie alors même que cet agrandissement est indispensable pour répondre aux attentes sociétales en matière de bien-être animal (plus de place pour les animaux) et en matière environnementale, via une meilleure gestion des effluents », s’est interrogé Philippe Bizien. A elle-seule, la généralisation de la mise en place des cases « liberté » pour les truies réclamerait de mobiliser au minimum 2 milliards d’euros, estime l’interprofession. Les contraintes administratives et la surtransposition des normes menacent également la nécessaire transmission des entreprises, dans un contexte de vieillissement des éleveurs, dont un tiers ont plus de 55 ans. 

Pour sortir de l’impasse actuelle, l’interprofession a initié ces derniers mois une démarche de responsabilité sociétale (RSO) afin de définir la stratégie à même de préserver d’ici 2035 l’autosuffisance du secteur aujourd’hui menacée. « Ce taux ne cesse de se dégrader ces dernières années », a observé Anne Richard, la directrice d’Inaporc. « Il est passé de 103 % en 2022 à 101,8 % en 2023 ». Après une diminution de la production de près de 2,2 % en 2022, les abattages ont à nouveau fondu en 2023 de 4,8 %, pour environ 22 millions de porcs. 

Issue d’une vaste consultation au cours de laquelle plus de 200 acteurs régionaux ont pu exprimer leur avis, la stratégie de l’interprofession « identifiera les pratiques déjà vertueuses pour engager la filière sur des pistes d’amélioration tangibles et établir un dialogue constructif avec les parties prenantes externes », selon un communiqué. Articulée autour de cinq grands axes (social, économique, environnemental, sanitaire et bien-être animal), la stratégie sera dévoilée dans le détail lors de l’assemblée générale d’Inaporc, le 12 juin prochain à Angers.  

(*) ICPE : Installations classées protection de l’environnement  

 

La surenchère en amont mais aussi en aval 

L’amont agricole n’est pas le seul à faire les frais d’une course au mieux-disant dans le secteur porcin. « Nos entreprises utilisaient déjà moins de sels nitrités ces dernières années que les autres en Europe car nous avions engagé cette trajectoire volontairement dès 2016 », a assuré Martine Leguille Balloy la présidente de la fédération des charcutiers-traiteurs (Fict), un secteur fortement mis en mal par la hausse des prix de la matière première et de l’énergie. « Après l’entrée en vigueur des nouveaux seuils européens en 2025, nous serons toujours en dessous des autres », a-t-elle affirmé. Selon l’ancienne députée, le raccourcissement des dates limites de consommation liée à la baisse des nitrites « va faciliter l’entrée plus grande de produits d’importation ne respectant pas les mêmes règles en matière d’additifs. En définitive, au lieu de consommer moins de nitrites, les Français en consommeront plus ».