• avril 4, 2024
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Cession-transmission : la nouvelle donne

Cession-transmission : la nouvelle donne

Les exploitants agricoles qui cèdent leur exploitation d’ici 2035 ont à faire à une nouvelle génération d’agriculteurs d’origine socioprofessionnelle très variée, porteurs de projets en phase avec leur époque. 

 

« L’origine socioprofessionnelle des étudiants des lycées agricoles anticipe de quelques années celle des futurs candidats à l’installation. En Région Auvergne –Rhône Alpes, seuls 7 % des lycéens sont issus du milieu agricole alors que 19 % ont des parents ouvriers et 23 %, des parents employés », a récemment affirmé Bruno Ferreira, de la direction régionale de l’Alimentation, l’Agriculture et la Forêt en Auvergne Rhône-Alpes (ARA), lors d’une conférence organisée par l’Inrae sur la transmission et la cession d’exploitations. Dans les points d’accueil installation des Chambres d’agriculture d’ARA, l’âge moyen des personnes qui s’y présentent est de 33 ans. 80 % d’entre eux ne sont pas issus du milieu agricole et 53 % n’ont aucun diplôme agricole. Enfin, 22 % n’ont aucune idée de ce qu’ils voudraient produire. Et quand ils acquièrent enfin le statut d’agriculteur, 39 % des porteurs de projets s’installent en individuel. « Les GAEC ‘à la papa’ n’ont plus la côte », a souligné le sociologue François Purseigle. « Lorsque des agriculteurs non issus du monde agriculteur projettent de s’installer, ils doivent mener de front plusieurs chantiers simultanément : l’acquisition des fermes, la reprise des terres, le logement et le financement de l’installation », a ajouté Antoine Messean, agronome à l’Inrae. « Mais la plupart d’entre eux ne sont pas prêts à reprendre des exploitations en s’endettant pendant 15-20 ans sans avoir la garantie qu’ils percevront un revenu décent », a précisé François Purseigle. Or la dimension économique des fermes est parfois très importante. 

 

Exploitations dimensionnées 

Un des freins à l’installation est l’inadéquation entre l’offre des fermes à reprendre et la demande des candidats à l’installation. Les exploitations cédées résultent d’agrandissements successifs réalisés au cours de deux-trois générations d’agriculteurs, au fil de la PAC et de la conjoncture des marchés agricoles. Par ailleurs, les agriculteurs sur le départ transmettent un outil de production amorti, consommateur d’hydrocarbures fossiles alors que l’époque est à la sobriété énergétique, à l’agrivoltaïsme et à l’autonomie fourragère et protéique. Enfin, tous n’ont pas l’intention de déménager en cédant leurs terres. Aussi, les nombreux candidats à l’installation non issus du milieu agricole devront trouver un logement hors de la ferme à reprendre pour s’installer. « Il faudra des exploitations dimensionnées pour tous les projets, a affirmé François Purseigle. Des céréaliers doivent pouvoir produire sur 200 ha et des éleveurs laitiers s’associer à plusieurs pour alléger leurs charges de travail. Ailleurs, des candidats à l’installation chercheront des petites structures pour créer leur système de production axés sur le bio et la commercialisation en vente directe ». Aussi, une partie des cédants devront restructurer leur exploitation pour la rendre reprenable. L’orientation agroécologique de leur projet professionnel imposera tôt ou tard de faire évoluer la PAC afin de rémunérer les nouvelles pratiques culturales agri-écologiques et les services environnementaux rendus, ont suggéré les différents participants de la conférence de l’Inrae. Toujours selon eux, la prochaine loi d’orientation agricole devra comprendre un volet fiscal pour accompagner la transmission d’exploitations agricoles et offrir aux jeunes agriculteurs un droit à l’essai. La dotation jeunes agriculteurs (DJA) très liée à des reprises d’exploitations intrafamiliales devra être réformée. « Compte tenu de la diversité des publics qui s’installeront, cette politique d’installation devra être bâtie sur mesure, a averti Antoine Messean. Elle nécessitera une approche au cas par cas ».