- août 20, 2024
- Aucun Commentaire
- 210
Les surmarges des distributeurs ne passent plus
Avec l’inflation, cause de la chute de consommation d’aliments bio, les surmarges des distributeurs ne sont plus acceptées par les producteurs. Elles viennent renchérir leurs produits et compromettre la relance des marchés, pourtant vitale pour l’avenir de l’agriculture biologique.
« Le développement de la bio ne se fera qu’à partir du marché. Nous ne voulons pas vivre d’aides. Or, la consommation de produits bio a chuté sous l’effet de l’inflation », a indiqué Brice Guyau, président de la commission « bio » à la FNSEA, lors d’une récente table-ronde sur le thème « Est-ce que la bio a encore un avenir en France ? ». La crise actuelle du bio « est avant tout une crise de la consommation », a précisé Joffrey Beaudot, élu référent bio chez Jeunes Agriculteurs.
Investissements lourds
Relancer la consommation suppose des prix plus accessibles aux consommateurs, mais « les distributeurs margent plus sur la bio (que sur le conventionnel), autrement dit sur des produits qui sont déjà plus chers », a dénoncé Loïc Guines, président de la commission « bio » aux Chambres d’Agriculture de France. « Comment accepter des marges à deux chiffres ? », s’est exclamé Joffrey Beaudot. L’association UFC-Que Choisir évaluait en août dernier la marge brute sur les denrées bio à 96 %. La relance de la consommation n’est toujours pas en vue. « Les acheteurs ne veulent plus s’engager en contractualisation », a témoigné Jérôme Caillé, président de la commission « bio » à La Coopération Agricole. Or les producteurs sont dans un pas de temps long. « Il faut des contrats, et pas que sur cinq ans, mais plutôt sur dix ans, car les producteurs ont des investissements lourds, dans des bâtiments par exemple », a complété Loïc Guines.
Attention aux installations
Mais le piétinement de la contractualisation n’est pas le seul dysfonctionnement de l’aval. La loi Égalim, qui stipule que les cantines doivent intégrer au minimum 20 % de bio en valeur d’achat, « n’est pas respectée », a déploré Joffrey Beaudot. Seulement 25 % des cantines sont enregistrées à cet effet, a-t-il rapporté. La restauration collective est censée « représenter un formidable levier pour le développement de l’ensemble de la filière AB », indiquait le ministère de l’Agriculture en septembre dernier. « Si la loi Égalim était appliquée, ce seraient un milliard d’euros qui reviendraient à l’économie bio », a précisé Jérôme Caillé. Brice Guyau « espère vivement une relance de la consommation pour pouvoir se projeter dans le renouvellement des générations de producteurs bio. Pourtant dans le moment présent, il va falloir réguler la production pour ne pas envoyer dans le mur ceux qui s’installent », a-t-il indiqué. L’agriculture biologique représente 20 % des installations en France et 40 % en Bretagne, ont souligné les intervenants à la table ronde, signifiant par-là que de nombreux espoirs risquent d’être déçus si la commercialisation ne prend pas le relais de l’enthousiasme des jeunes agriculteurs. En outre, un reflux des surfaces de bio signerait un échec du gouvernement français, qui a rappelé, dans son programme Ambition Bio 2027 présenté le 28 février par le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau, que l’objectif inscrit dans le Plan Stratégique National (PSN) français est de 18 % de SAU en bio à l’horizon 2027 (contre 10,7 % actuellement).
Reconquérir le consommateur
Après de très belles croissances, y compris pendant la crise Covid, le bio est aujourd’hui à la peine. Dans ses arbitrages quotidiens, le consommateur s’est rabattu sur le « conventionnel ». Si bien qu’en 2023, les achats de produits agricoles bio ont reculé en volume de 7,1 % au premier semestre 2024, après une dégringolade de 12,1 % sur l’ensemble de l’année 2023. Tout l’enjeu pour la filière est de repartir à la conquête du consommateur en mettant plus de bio dans les assiettes, notamment en restauration hors foyer, c’est-à-dire dans les cantines publiques et aussi en restauration privée. La reconquête devrait aussi passer par la fidélisation des clients et peut-être par la multiplication des marques de distributeurs (MDD). Dans tous les cas, pour que le bio français puisse retrouver des couleurs, il faudra surtout enrayer les « déconversions », c’est-à-dire le passage de l’agriculture bio à l’agriculture conventionnelle. Il est vrai que dans certains secteurs, comme le lait, le bio n’est plus valorisé. En février dernier seuls 40 € séparaient le prix des 1 000 litres de lait bio de son équivalent conventionnel.