• février 22, 2025
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Résultats économiques agricoles prévisionnels 2024 : Maintien de l’élevage mais crise aiguë en vigne et noix !

Résultats économiques agricoles prévisionnels 2024 : Maintien de l’élevage mais crise aiguë  en vigne et noix !

Le service économique du CERFRANCE a présenté les premières prévisions des résultats des exploitations agricoles pour 2024. Si les productions animales maintiennent leurs bénéfices grâce à l’augmentation des prix de vente, les filières viticoles et nucicoles s’enfoncent dans le rouge avec des récoltes catastrophiques et des marchés atones.

Stéphane Lagarde, président du CERFRANCE Lot, a accueilli les responsables des organisations agricoles et des administrations Lotoises en soulignant que ces résultats sont provisoires mais reflètent néanmoins de vraies tendances qui interrogent. Nos productions végétales viennent de vivre une année 2024 catastrophique à cause d’une météo trop capricieuse, conséquence probable du changement climatique désormais très impactant. Les productions fruitières (vigne, noix, prunes, melons…) pâtissent particulièrement d’un changement de repères et pourraient dans les prochaines années être confrontées à une vraie remise en cause. C’est pourquoi CERFRANCE a fait un état des lieux des voies de diversification empruntées sur notre département.

Conjoncture 2024

Damien Ameline et Lucie Canon, chargés d’études au CERFRANCE, ont rappelé les éléments de la conjoncture de l’année. D’abord un climat très capricieux avec beaucoup de pluies qui ont compliqué l’implantation des cultures d’hiver comme de printemps. L’hiver 2023/2024 trop doux a favorisé la précocité des cultures, notamment fruitières, qui ont ensuite subi de plein fouet les terribles gelées de mi-avril avec les conséquences que l’on connait. L’excès d’humidité s’est poursuivi et a favorisé la forte pression des maladies fongiques et bactériennes sur des végétaux déjà fragilisés, compromettant les récoltes. Au-delà de cet impact immédiat, les plantations sont fragilisées dans le temps.
Côté charges d’exploitations, l’année 2024 a vu la détente sur les prix des intrants grâce à la nette baisse du prix de l’énergie. Les carburants ont baissé de 9 %, les engrais de 26 % et les aliments du bétail de 11 %. L’électricité est aussi en recul.
Si la pousse de l’herbe a été excellente grâce à la pluviométrie régulière, l’élevage pâtit cependant de l’impact des épizooties de FCO et de MHE qui ont généré des pertes de production variables selon les exploitations.

Bovins lait

La collecte régionale et lotoise est en recul à cause de la baisse du nombre de producteurs et du cheptel. Le marché est resté quant à lui bien orienté avec des prix de vente en légère hausse. La compression des charges aidant les élevages, les résultats économiques prévisionnels, bien orientés depuis trois ans, sont en légère augmentation par rapport à 2023, avec un Excédent Brut d’Exploitation à 80 000 €. Cela permet de consolider le revenu disponible par UTH à 26 800 €. Ces résultats ne concernent cependant pas la filière bio qui reste en crise.

Bovins viande

La filière accuse un recul des naissances et des abattages, poursuivant le mouvement de décapitalisation amorcé ces dernières années. Cette baisse de l’offre a généré un manque sur les marchés, provoquant cette année encore une hausse des cours. L’export a été néanmoins perturbé par la FCO et la MHE qui ont limité les ventes vers l’Espagne et l’Algérie. Globalement, les cotations sont en augmentation de 5 % sur l’année mais les épizooties diminueraient la productivité en moyenne de 10 %. En conséquence, les résultats baisseraient légèrement par rapport à 2023 avec un EBE moyen à 52 400 € par ferme et un revenu par UTH de 24 300 €.

Ovins viande

Là encore, la production Française est en recul avec une baisse du nombre de brebis et du volume d’agneaux abattus. Parallèlement, les importations sont également en baisse. Rappelons que la France ne produit que 45 % de sa consommation ovine. Une consommation qui continue de se rétracter mais la baisse de production est telle que les marchés sont restés très tendus, ce qui a provoqué une hausse sensible des cours, de l’ordre de 12,6 %.
L’impact de la hausse des prix serait à priori plus fort que celui de la baisse de productivité (déjà très visible en 2023). Après une forte baisse en 2023, l’EBE moyen des exploitations ovines Lotoises finit l’année à 54 300 €, en hausse par rapport à 2023. Un chiffre à moduler cependant en fonction de l’impact des épizooties, FCO et MHE, qui ont durement touché certains élevages. Le revenu disponible moyen par UTH augmente aussi à 19 800 €.

Canards gras

Il s’agit ici des chiffres qui concernent uniquement la filière longue. L’année 2024 a bénéficié d’une production bien relancée et en bon état sanitaire, sans grippe aviaire. L’offre de foie gras a été porteuse et la consommation au rendez-vous. Les résultats économiques sont donc intéressants avec un EBE moyen à 91 000 € par exploitation. Le revenu disponible par UTH sort à 34 500 €, un chiffre qui se tasse légèrement par rapport à 2023, mais reste positif.

Viticulture

L’année 2024 est particulièrement catastrophique pour la vigne dont le gel tardif d’avril a compromis l’essentiel de la récolte de raisins ! Certains vignerons n’ont même pas vendangé faute de raisins ! En vin de Cahors, le syndicat a évalué la récolte moyenne à 15 hl/ha à comparer aux 50 hl normaux. Trois mauvaises récoltes en cinq ans font dangereusement chuter les stocks de vins. En parallèle, le marché reste atone avec une consommation en baisse et des prix qui n’augmentent donc pas de façon conséquente. Pour la deuxième année, l’EBE s’effondre à 6000 € et le revenu disponible est négatif à – 5500 € par actif. La santé financière des exploitations viticoles se dégrade fortement.
Signe de cette situation critique pour certains vignerons, le Lot est un des départements qui a, en proportion de la surface, le plus utilisé le dispositif d’arrachage national. C’est ainsi 750 ha de vigne, soit 16 % de la surface viticole du département, qui seront arrachés dès cet hiver en contrepartie d’une aide de 4000 €/ha.

Noix

Même constat pour la filière noix dont la récolte 2024 est là aussi mauvaise, le gel d’avril ayant grillé les organes fructifères. Ces pertes de rendement se retrouvent dans les chiffres prévisionnels avec un EBE qui chute à 18 000 € et un revenu disponible par actif qui devient négatif. La production est également confrontée à une récurrence des sinistres qui se répètent année après année, ce qui atteint la santé des noyers dont beaucoup dépérissent. La filière est donc fragilisée par une perte de fond sur le long terme.

Grandes cultures

Les mauvaises conditions météo de la saison culturale, notamment l’excès d’eau, ont perturbé l’implantation puis la croissance et la récolte des grandes cultures. Des céréales aux oléagineux, les rendements sont faibles, seul le maïs ayant bénéficié de ce climat, et la qualité pas au rendez-vous. Les récoltes ont cependant été très hétérogènes selon les exploitations. Les prix sont en baisse sur la saison. L’EBE moyen ressort à 31 000 €, ce n’est pas suffisant pour assurer sereinement l’ensemble des besoins des chefs d’exploitation.

Se diversifier ?

Dans ce contexte incertain, beaucoup d’agriculteurs cherchent à se diversifier pour consolider leurs revenus et valoriser leur patrimoine. CERFRANCE a voulu savoir ce qu’il en est concrètement en menant une enquête statistique pour évaluer la réalité et répondre à la question : le Lot est-il un territoire propice à la diversification ?
Près de 30 % des exploitations se sont engagées sur cette voie, une proportion non négligeable. Deux types de diversification sont pratiquées, le prolongement de l’activité productrice (transformation et commercialisation en direct…), ou la création d’une autre activité (entreprises de travaux, photovoltaïque…).
La première voie est pratiquée depuis longtemps par les producteurs souvent inscrits dans des démarches qualité comme les vignerons, le fromage Rocamadour, les palmipèdes gras. Même si ces filières apportent un vrai plus lorsque les différents métiers (production, transformation, commercialisation) sont maitrisés, la proportion d’agriculteurs en difficulté reste proche de ceux qui ne se sont pas diversifiés.
La seconde voie se répartit en deux orientations. Une diversification sur des activités basées sur le revenu du patrimoine. Ainsi, plus de 20 % des dirigeants agricoles ayant plusieurs structures ont une activité de gestion de biens immobiliers. Notons également l’essor des entreprises ayant une activité de production d’énergie, photovoltaïque notamment. La seconde orientation sur des activités annexes est dominée par les Entreprises de Travaux Agricoles.
Quoiqu’il en soit, le projet de diversification doit s’inscrire dans une démarche stratégique réfléchie en ayant identifié au préalable ses valeurs et ses besoins (Pourquoi ce projet, qu’est-ce qu’il apporte ?) et les moyens à y consacrer (le temps disponible, les moyens financiers…). La capacité des chefs d’entreprise fait la différence avec les clefs du succès que sont la cohérence du projet, le temps qui y est consacré et la maîtrise de cette nouvelle activité.