- septembre 2, 2025
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L’agriculture régénérative veut changer d’échelle

Un nombre croissant de coopératives se sont engagées dans des programmes d’agriculture « régénérative ». Souvent partie d’un noyau dur, la démarche s’étend progressivement.
L’agriculture « régénérative » s’apprête à monter en puissance dans les années qui viennent, grâce à l’implication des coopératives agricoles, mais aussi de leurs parties prenantes. C’est la conviction partagée par les représentants d’entreprises coopératives qui se sont exprimés jeudi 3 juillet à Paris lors d’une conférence qui a réuni experts scientifiques, acteurs de terrain, agriculteurs et partenaires autour du bilan et des perspectives de cette méthode de production.
Bien que ne reposant pas sur une définition consensuelle, l’agriculture régénérative s’est imposée comme un modèle conciliant durabilité et productivité par le moindre travail du sol, l’amélioration des couverts, la restitution du carbone, des stratégies de fertilisation raisonnée ou encore le recours à des cultures bas-intrants. « Une bonne partie des défis auquel nous devons répondre en agriculture, qu’il s’agisse de l’adaptation au changement climatique, de la biodiversité ou de la préservation des écosystèmes se joue dans les sols », a assuré Dominique Chargé en introduction. Pour le président de la Coopération agricole, « c’est le patrimoine essentiel de nos exploitations, trop longtemps oublié, mais dont nous avons aujourd’hui de mieux en mieux conscience ».
Les principes de l’agriculture régénérative ont ainsi convaincu un nombre croissant d’adhérents de coopératives en à peine quelques années. Pas moins de 1 300 agriculteurs d’Axereal -pour environ 200 000 hectares-, sont engagés aujourd’hui dans le programme « Cultiv’up régénératif », a indiqué Pierre Toussaint, directeur « Agronomie, transitions, innovation » du groupe céréalier. D’ici 2027, ils devraient être 2 500 à avoir rejoint ce référentiel certifié, qui ne compte pas moins de 74 critères comme l’allongement de la rotation, la stratégie raisonnée de fertilisation ou la réduction du labour profond mais aussi neuf « indicateurs de résultats ».
Passer à une échelle systémique
Pionnière en matière d’agriculture régénérative, la coopérative Noriap souhaite pour sa part franchir un nouveau palier dans l’implication de ses adhérents. « Aujourd’hui, notre démarche Sol Vivant fédère 350 producteurs soit 10 % de nos adhérents mais seulement 6 % des volumes pour 1M€ redistribué », détaille Nathalie Ternois, directrice agriculture du groupe coopératif des Hauts-de-France et de Seine-Maritime, notamment présent dans les métiers du grain et de la pomme de terre. « La volonté du conseil d’administration est de passer à l’échelle des rotations, à une échelle systémique ».
Pour accélérer cette montée en puissance, la coopérative s’est rapprochée de son homologue Vivescia et de son programme Transitions qu’elle a rejoint en février dernier, tout en maintenant le programme actuel, Sol Vivant. « Nous nous retrouvons sur de nombreuses problématiques communes et en particulier sur une forte clientèle industrielle », précise Nathalie Ternois. « Nous avons fait le choix de ce rapprochement car nos organisations auront du mal à terme à gérer des initiatives dispersées qui peuvent être chronophages », a-t-elle assuré, précisant que l’ambition était de franchir la barre des 10 % de la collecte engagée en 2028.
Vers des « coalitions »
Pour développer les pratiques de l’agriculture régénérative, les coopératives comptent sur les « coalitions » mises en place avec leurs parties prenantes et notamment les opérateurs de l’aval de la filière. A l’initiative de Sol Vivant aux côtés de Noriap et de la fondation Earthworm, Nestlé a très tôt vu dans l’agriculture générative un levier efficace de sa décarbonation.
« Lorsque nous avons évalué notre empreinte carbone, nous nous sommes rendu compte que notre amont agricole en représentait près de 70 % », a expliqué Charles Léonardi, directeur général Supply Chain chez Nestlé. Soucieux de satisfaire les objectifs du géant suisse de l’agroalimentaire d’atteindre un « net zéro » en 2050 tout en sécurisant ses approvisionnements, il a investi dans l’agriculture régénérative, via un système de primes. « Alors que l’objectif pour la France était de 20 % d’agriculture régénérative en 2030, on en est déjà à plus de 30 % », s’est-il réjoui. « La construction de ‘coalitions’ constitue la clé du passage à l’échelle de l’agriculture régénérative », a conclu Anne Trombini, directrice générale de l’association. « Pour une Agriculture du Vivant ». « C’est aussi la raison pour laquelle nous avons beaucoup œuvré en faveur d’un « indice de régénération » en étroite concertation avec les agriculteurs et le conseil scientifique, et cela « sans dogmatisme », a-t-elle insisté. Cet indice doit permettre de piloter les progrès de la démarche, de valoriser ses contraintes, et enfin de construire des innovations financières « publiques et privées », « sous la forme de taux bonifiés, d’assurances ou encore d’un fléchage des soutiens publics », a-t-elle complété.
Actuagri