- août 17, 2023
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Transition agro-écologique : Le chanvre revient sur le Quercy
Une culture plus résiliente, plus économe en eau et en intrants, tel est le chanvre qui se développe grâce à la coopérative d’intérêt collectif Virgocoop avec différents débouchés, dont une filière textile locale en pleine renaissance.
Cultivé pendant des siècles en Quercy, le chanvre a été abandonné à l’aube du vingtième siècle avec l’arrivée de la pétrochimie. Mais les nouvelles orientations agro-écologiques remettent cette plante en selle. Il faut dire que ses qualités sont exceptionnelles puisqu’elle pousse sans traitements, sans eau autre que celle du ciel, et résiste à la sécheresse. Elle est principalement cultivée pour sa fibre mais sa valorisation nécessite la construction de toute une filière que quelques Lotois ont décidé de bâtir avec le soutien de la région Occitanie.
L’aventure Virgocoop
Mathieu Ebbesen, président de Virgocoop, souligne « le chanvre répond à une demande croissante du marché local du textile et de la construction à base de béton de chanvre. Nous avons décidé de monter la coopérative en 2018 pour bâtir une autre façon de faire du textile. Quelques fabricants de vêtements et de bâtiments nous ont suivi. Au début, on travaillait avec des fibres de chanvre importées de Roumanie mais cela nous interrogeait et nous avons décidé de lancer une production locale. Nous avons également été amenés à racheter avec d’autres partenaires un atelier de tissage près de Castres pour proposer des fils de chanvre, laine, lin ou coton, notamment un nouveau mélange laine-chanvre appelé« le mesclat ». Enfin, nous venons d’investir dans une machine de défibrage que nous avons implantée à Caylus, au centre de la zone de production. Elle va nous permettre de défibrer la paille brute pour produire des fibres dédiées à la confection textile d’un côté, et un co-produit, la chènevotte pour la construction de bâtiments écologiques. La filière complète est donc envoie de finalisation car c’est un matériau d’avenir qui respecte l’environnement… »
Cultiver le chanvre
Démarrée avec quelques hectares en 2019, la culture se développe désormais rapidement sur les départements du Lot, de l’Aveyron, du Tarn et du Tarn et Garonne avec 100 ha en 2022 et 200 ha en 2023. Julien Bonnet, responsable de la chanvrière à Virgocoop, précise « nous recherchons des producteurs et leur proposons des contrats annuels. Notre prix d’achat est de 300 €/tonne auquel il faut ajouter 25 €pour la densité des plantes garantissant la finesse des fibres, et 25 € supplémentaires pour la bonne humidité des pailles qui assure un rouissage correct. Au début, nous leur conseillons de commencer par une petite surface pour tester la culture, un ou deux hectares, afin de prendre moins de risque et de bien connaître cette culture. Tout se joue avant le semis, dans la bonne préparation du sol et la fumure. Ensuite, la plante pousse toute seule jusqu’à 3 mètres de hauteur. Il faut des sols bien aérés, bien ressuyant et pas compactés. Le chanvre se fauche en fin d’été et doit rester en andain au moins un mois pour le rouissage. Ce n’est qu’après qu’on peut le ramasser en balles et le stocker sous hangar en attendant que la coopérative vienne le chercher pour le travailler… »
Cette plante très écologique a un système racinaire qui structure bien le sol
Vincent GENOT
« Une culture très écologique »
Jeune agriculteur installé en GAEC avec son père à Rudelle, Vincent Genot est avant tout éleveur de génisses et de chevrettes. Mais il s’intéresse aux nouvelles cultures et produit de la bourrache pour le laboratoire Nutergia de Capdenac. Il a lancé depuis l’an dernier une parcelle de chanvre « des amis agriculteurs nous en ont parlé et j’ai décidé de tenter la culture attiré par son intérêt agronomique, son caractère écologique, mais aussi par l’éthique de la démarche de Virgocoop qui monte une filière 100 % locale.
J’ai choisi une parcelle avec un sol profond et je la prépare avec un labour superficiel puis un hersage pour avoir une bonne finesse des mottes. J’apporte une fumure organique, 25tonnes/ha de fumier, car la plante aime l’azote et la matière organique. Puis je sème début avril au semoir à céréales à raison de 70 kg/ha. Je le roule pour bien tasser et je n’interviens plus jusqu’à la récolte en septembre. Il faut que le chanvre lève vite et bien puis il pousse tout seul jusqu’à atteindre 3 mètres de hauteur ! Attention à bien avoir une forte densité de tiges, ce qui garantit leur finesse et leur longueur.
Mi septembre, je le coupe avec une faucheuse de base à double section, type modèle ancien, que je loue à la Cuma, car la tige est extrêmement dure et peut endommager le matériel. Je laisse ensuite 15 jours sur place puis je le retourne une fois pour faciliter le rouissage. Deux semaines après, je l’andaine et le presse en balles rondes que je stocke sous un hangar jusqu’à ce que la coopérative vienne le chercher. Le rouissage puis le pressage sont les phases les plus délicates car la qualité des fibres se joue à ce moment là. Heureusement, l’agronome de la coopérative nous accompagne et nous forme sur ces étapes cruciales. La culture est ensuite payée au poids.
Comme il n’y a pas d’intrants et peu de mécanisation, la marge est intéressante. Cette année, j’ai fait une parcelle de 1,2 ha sur un champs souvent salle, afin de tester sa capacité nettoyante, ainsi que la structuration du sol par ses racines. Je sèmerai du blé derrière, avec juste un travail superficiel. Pour moi, c’est une culture de diversification à forte valeur éthique… »