- février 12, 2024
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La transition écologique des élevages sous conditions
Les congressistes de la Fédération nationale bovine (FNB) ont renouvelé leur volonté de réduire leurs émissions de carbone et de gaz à effet de serre. A condition que les directives juridiques soient claires et qu’ils puissent vivre décemment de leur travail.
Les éleveurs de viande bovine ont toujours le rapport de la Cour des comptes (et bien d’autres) en travers de la gorge. « Réduire notre cheptel pour émettre moins de gaz à effet de serre, c’est non », a affirmé Guillaume Gauthier, secrétaire général adjoint de la FNB. Il n’empêche. Comme de nombreux autres secteurs d’activités (transports, énergie, logements…), l’élevage devra s’inscrire dans les différents programmes français et européens. C’est sur la faisabilité de cette trajectoire que sont venus expliquer Darrell Leroux chargé de mission Energie-Climat à la FNSEA et Mathieu Velghe, ingénieur agronome à l’Institut de l’élevage (Idele). Avec 81 millions de tonnes équivalent CO2 (MteqCO2) L’agriculture pèse 19 % des émissions annuelles de GES en France et l’élevage en représente près de la moitié : 39 MteqCO2. La production bovine pèse 83 % de ces 39 MteqCO2. Or le Green Deal ambitionne la neutralité carbone en 2050 avec un objectif du Fit for 55 de passer de 81 à 68 MteqCO2 en 2030, soit une économie de 13 MteqCO2. Dans l’optique de réduire les GES de 13 MteqCO2, plusieurs leviers ont été identifiés : réduire les apports en azote, par l’implantation de légumineuses notamment et en réduisant de 40 % la production d’engrais locale. Réduire l’empreinte du machinisme en augmentant le taux de biocarburants ou en utilisant certains vecteurs électriques. Enfin en élevage, une meilleure conduite des troupeaux et réduire de moitié le tonnage de soja importé (souvent déforesté) permettrait de gagner quelques MteqCO2. D’autres pistes peuvent être envisagées : amélioration génétique ; additifs dans l’alimentation animale pour réduire les rejets de méthane ; adaptation des fourrages ; adaptation des races ; développer les énergies renouvelables (méthanisation…) travailler sur la biodiversité des sols ; amplifier le stockage carbone, etc.
Trouver les financements
En comparaison des efforts que doivent fournir les autres secteurs d’activité (transports, logement…) les exigences que Bruxelles et Paris demandent aux agriculteurs peuvent paraître moindre. Mais les marges de manœuvre ne sont pas extensibles car on peut considérer que ces émissions sont essentielles pour se nourrir. Ce qui inquiète et énerve le plus les éleveurs, ce sont les demandes contradictoires des politiques français et européens. L’exemple le plus flagrant est celui du ratio prairies. D’un côté les pouvoirs publics demandent de réduire l’élevage surtout bovin gros émetteur de méthane, notamment en faisant évoluer les régimes alimentaires et de l’autre, ces mêmes dirigeants exigent de maintenir des prairies qui permettent de stocker du carbone et de préserver la biodiversité. Certains objectifs paraissent irréalisables de l’aveu des intervenants et des éleveurs : notamment celui d’aller vers 21 % de surfaces en agriculture biologique en France d’ici 6 ans*. Car aujourd’hui, le bio ne paie plus. Il faut surtout trouver et chiffrer le coût global de cette transition. « C’est en cours », assure Mathieu Velghe. Il faudra aussi trouver les moyens financiers d’assurer cette transition qui va coûter très cher. Près de 800 millions d’euros ont été débloqués pour cette année (lire encadré). « Il faut toujours garder en tête d’avoir une rémunération pour que nous puissions faire cette transition », a expliqué Guillaume Gauthier. Ce qui suppose que les actions vertueuses des agriculteurs soient valorisées et que le consommateur consente à payer. Ce qui n’est pas le cas actuellement. Dans tous les cas « la planification écologique ne se fera pas sans les ruminants » a conclu le secrétaire général adjoint de la FNB ?
(*) Aujourd’hui, la France est à 15 %
Près de 800 millions d’euros (M€) pour 2024
Ce sont 782 M€ qui ont été débloqués en 2024 pour le seul secteur agricole afin d’accompagner la transition écologique.
– 110 M€ au titre du plan « Haies »
– 100 M€ pour le plan « Protéines »
– 10 M€ pour l’agriculture biologique
– 32 M€ pour la mesure « Diagnostics »
– 250 M€ pour le fonds « Phyto »
– 80 M€ pour la « décarbonation de l’agriculture et la filière forestière »
– 200 M€ pour le « fonds en faveur de la souveraineté et des transitions ».
Christophe Soulard