• février 12, 2024
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Les éleveurs en quête de clarifications

Les éleveurs en quête de clarifications

Le congrès de la Fédération nationale bovine (FNB) s’est achevé le 8 février à Vichy (Allier). Son président, Patrick Bénézit, s’est fait l’écho des demandes de sa base. Les éleveurs attendent des actes concrets de la part du gouvernement et de l’Europe ainsi qu’une ligne directrice claire sur leur secteur d’activité.  

 

« Respecter Egalim pour dégager du revenu, obtenir de la reconnaissance et avoir des perspectives (…) l’attente des éleveurs est énorme », a martelé tout au long de son discours final le président de la FNB, Patrick Bénézit. L’éleveur du Cantal s’est inquiété de la décapitalisation qui touche les exploitations. En 2023, 100 000 vaches allaitantes ont disparu auxquelles s’ajoutent 100 000 vaches laitières. « En sept ans, ce sont un million de vaches de moins en France », a-t-il précisé. Ce phénomène s’explique en partie parce que les éleveurs ne sont pas payés au juste prix : « Que ce soit en broutards, en jeunes bovins, en génisses, etc. il manque entre 50 centimes et un euro du kg de carcasse pour que nous puissions couvrir nos coûts de production », s’est-il inquiété. En bout de chaîne, le revenu des agriculteurs spécialisés devrait baisser de -14 % pour l’année 2023. C’est cette accumulation de contraintes qui a conduit les agriculteurs dans la rue : « La colère n’est pas éteinte », a averti le président de la FNB. Refusant une baisse de cheptel en France, il a demandé que l’Etat soit le premier à être exemplaire et à appliquer la loi Egalim dans son volet restauration collective* et à renforcer les contrôles contre les acteurs de l’aval qui la détourne ouvertement. Parmi les autres sujets de préoccupation listés par Patrick Bénézit : « la frénésie bureaucratique de Bruxelles qu’il faut stopper » mais aussi l’affichage environnemental : « Il faut le jeter à la poubelle si la viande française n’est pas en vert et la viande brésilienne n’est pas rouge ». Sur le fond, c’est la méthode analyse du cycle de vie (ACV) que les éleveurs remettent toujours et encore en cause car elle ne tient pas compte des aménités positives créées par l’élevage (lire encadré). L’observation indicielle (par satellite) reste aussi une pierre d’achoppement entre la FNB et le ministère de l’Agriculture. « Il existe une trop grande distorsion entre ce que les indices relevés par le satellite et la réalité du terrain », a en substance souligné Patrick Bénézit qui réclame un vrai plan de souveraineté de l’élevage qui répondra à des questions simples : Quel modèle d’élevage ? Quel nombre de vaches ? Combien d’éleveurs ? Quelle stratégie à l’international ? etc. « Nous attendons des propositions pour le Salon de l’agriculture », a-t-il insisté. 

 

« Lutter contre la décapitalisation »  

Resté à Paris pour « régler les demandes émises par les agriculteurs » pendant la crise agricole et « tenir le calendrier », le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau a tenté, en visioconférence, de rassurer, sans trop les convaincre, les 500 congressistes, en listant les annonces gouvernementales. Il a ainsi assuré que les contrôles de l’application d’Egalim sont actuellement renforcés et qu’il fallait envisager de corriger la loi pour que les négociations entre industriels et la grande distribution viennent après les négociations entre agriculteurs et industriels afin de socler définitivement le prix de la matière première agricole. Il souhaite aussi que cette correction législative prévoit de lutter contre le contournement des GMS qui négocient avec leurs centrales européennes. Affirmant sa volonté de « partir à la reconquête » et de « lutter contre la décapitalisation » il estime que la « contractualisation est une voie à explorer ». Le ministre a aussi donné quelques gages sur l’étiquetage environnemental en disant qu’il « doit tenir compte des pratiques de l’élevage » et ne pas venir le stigmatiser. Il a en revanche été plus flou sur la viande de synthèse qu’il surnomme la « viande désincarnée ». Il souhaite qu’elle soit « écartée », quand les éleveurs entendent que ce produit chimique ne soit ni produit, ni commercialisé. Les demandes de clarifications n’ayant pas été obtenues, nul doute que la venue de Marc Fesneau sur les stands de races à viande au prochain salon de l’Agriculture déboucheront sur quelques explications de texte.  

(*) La loi impose à la restauration collective publique d’offrir, à compter de 2022, au moins 50 % de produits durables ou sous signes d’origine ou de qualité dont minimum 20 % de produits bio y compris en conversion.  

 

Une méthode ACV bancale 

Comme l’affichage nutritionnel (Nutriscore), l’affichage environnemental (Planetscore) s’appuie sur les résultats d’Agribalyse, une base de données publique élaborée par l’Agence de la Transition écologique (Ademe). Agribalyse raisonne en termes d’analyse de cycle de vie (ACV) qui, selon de nombreuses organisations agricoles, dont la FNB et l’interprofession Bétail et viandes (Interbev),  « recèle de nombreuses incohérences ». Ainsi avec les indicateurs ACV, une viande issue d’un élevage industriel américain type feedlot ou un poulet ukrainien est mieux noté d’un point de vue environnemental qu’une viande bio ou issue d’une production herbagère en France. Les éleveurs souhaiteraient que soient pris en compte les externalités positives comme la biodiversité, les haies, le captage carbone et d’autres critères environnementaux naturellement réalisés par l’élevage. 

Christophe Soulard