• février 27, 2024
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Une année 2023 sous le signe de la résistance

Une année 2023 sous le signe de la résistance

Le syndicat Culture viande qui fédère les entreprises françaises privées et coopératives du commerce des viandes, organisait le 20 janvier une conférence de presse pour présenter le bilan de l’année écoulée. En bovins, ovins et porcins, 2023 aura connu des inflexions en termes de production et d’exportations.

 

Yves Fantou, président de Culture viande, a confirmé les chiffres des producteurs : l’élevage bovin a perdu en sept ans, presque un million de têtes tant dans le troupeau laitier que dans le troupeau allaitant : -973 000 exactement. Début 2024, il reste environ 3,5 millions de bovins lait et autant de bovins allaitants. Cette situation impacte l’ensemble de la filière à commencer par les abattoirs dont l’activité a reculé assez nettement au dernier trimestre 2023, notamment en viande bovine. En effet, selon Agreste, seules 358 000 têtes ont été abattues en novembre 2023 (-3,2 %) après un repli de 4,7 % en octobre et de 8,6 % en septembre. Sur la moyenne quinquennale, le recul est plus important puisqu’il est de 8,6 % en dessous de son niveau moyen sur la période de 2018- 2022. « Surtout il n’y a pas de reprise de l’élevage » s’est inquiété Yves Fantou. La conséquence directe de cette baisse de production face à une demande toujours soutenue s’est traduite par une hausse des prix supérieure à l’inflation. En moyenne sur l’année, le prix moyen pondéré de gros bovins a atteint 5,15 €/kg, soit +4 % par rapport à 2022 et +35 % par rapport à 2021. « Les producteurs avaient besoin de ces hausses », a jugé le président de Culture viande. En contrepartie, la consommation de viande bovine a marqué un coup d’arrêt, -3,7 % par rapport à 2022, « après trois années de relative stabilité ». L’inflation et la perte de pouvoir d’achat des ménages a provoqué « une descente en gamme » des achats de viande, analyse le syndicat. C’est particulièrement vrai pour le steak haché frais très concurrencé par le steak surgelé, moins cher.

 

Hausses record 

Le phénomène est identique dans la viande porcine et la viande ovine. Sur le premier secteur, les volumes d’abattage ont reflué de -3,6 % (-4,6 % au nombre de têtes) sur les douze derniers mois. « Depuis deux ans, les volumes de porcins abattus ne cessent de s’effriter » et la production est également en recul global de -4,1 % (-3,2 % pour les truies). La consommation s’étiole elle aussi : -3,5 % entre 2022 et 2023, là encore en raison de la perte de pouvoir d’achat des ménages. Concernant les ovins, la tendance est identique. Sur les dix derniers mois, les effectifs abattus ont baissé de -8,6 % pour les agneaux et de -6,8 % pour les réformes. Dans le même laps de temps, les Français ont aussi boudé la viande bovine, n’en consommant que 124 000 tonnes équivalent carcasses, soit une baisse de -5,6 % par rapport à la même période en 2022. Que ce soit en porcs et en ovins, les cotations ont connu des hausses importantes et parfois record avec des cours autour de 8,70 €/kg à 8,80 €/kg pour les agneaux. 

 

Exportations en baisse  

Cette chute de la production dans le secteur carné ne fait pas les affaires des abattoirs qui voient leur nombre diminuer. « Un abattoir a fermé tous les mois depuis septembre 2023 et depuis le mois de janvier, le chiffre monte à deux par mois », s’inquiète Paul Rouche, directeur de Culture viande. Certains n’ont pas pu faire face à la chute de l’offre, car il n’y avait pas assez de volume pour rentabiliser l’outil de production. Certaines entreprises ont également été étranglées par l’augmentation des charges de transport, d’électricité, d’emballage « et par la mise aux normes constantes qui exige des investissements importants ». Ce sont souvent autant de charges qui ne sont pas toujours répercutées sur le prix final. Les entreprises du secteur de la viande sont également soumises à une rude concurrence de la part de leur compétiteurs étrangers. En bovins et porcins, tant en volume qu’en valeur, « les importations augmentent et les exportations reculent » constate Culture viande. Le volume de viande bovine exporté a chuté de -12 % en 2023 et celui de la viande porcine diminué de -6,9 % sur les dix premiers mois de 2023. La chute est plus marquée sur la Chine (-50 % en trois ans*) depuis qu’elle a reconstitué son cheptel lourdement frappé par la peste porcine africaine en 2020. Dans ce contexte, les responsables de Culture viande demandent au gouvernement de se pencher sur quelques dossiers administratifs (lire encadré), le maintien du potentiel de production et le développement de la contractualisation. 

 

(*) Les exportations françaises sont passées de 100 000 tonnes en 2021 à 50 000 tonnes en 2023. 

 

Les attentes de Culture viande 

Pour préserver leur secteur d’activité qui subit les assauts de la décapitalisation, de la flambée des coûts, de la pression des distributeurs et du recul des abattages, les responsables de Culture viande attendent des actes forts de la part du gouvernement. Favorables à l’évolution d’Egalim, ils demandent une révision de certaines dispositions environnementales. « Il faut éviter les tracasseries administratives sur les aliments déforestés, surtout quand on sait que l’Europe importe de la viande de pays tiers dont les animaux ont été nourris avec des aliments déforestés », a plaidé Paul Rouche. De même, Culture viande souhaite avancer sur le dossier des dénominations animales. « Il faut les interdire pour les produits totalement végétaux », a tranché Paul Rouche. Enfin le syndicat estime que la dématérialisation des documents d’accompagnement des bovins pourrait s’inscrire dans le future Plan Élevage. Ce serait un « élément de fluidité et de compétitivité », a assuré Paul Rouche. 

Christophe Soulard