- février 21, 2024
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Les principales annonces du Gouvernement
Le Premier ministre, Gabriel Attal a annoncé le 21 février de nouvelles mesures pour répondre à la colère des agriculteurs. Il a notamment détaillé les contours du futur projet de loi pour une agriculture souveraine.
Entouré des ministres de l’Économie, Bruno Le Maire, de l’Agriculture, Marc Fesneau, et de la Transition écologique, Christophe Béchu, le Premier ministre Gabriel Attal a essayé, à trois jours de l’ouverture du Salon de l’agriculture, de déminer le champ agricole au sens large du terme. En effet, les manifestations d’agriculteurs ont repris çà et là dans quelques départements. Si les FDSEA et JA départementaux ont poursuivi leurs rencontres avec les services préfectoraux pour avancer dans la simplification des textes, d’autres syndicats locaux ont multiplié les contrôles sur l’origine des produits dans les grandes surfaces. De plus, une manifestation d’envergure organisée par la FNSEA et JA est prévue le 23 février, à Paris aux abords de la Porte de Versailles. Si l’on ajoute que le 20 février, le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau avait clairement annoncé « le temps de la décision politique est venu (…) Les attentes sont fortes », les annonces du gouvernement étaient plus qu’attendues.
Sécurité et défense
D’emblée, Gabriel Attal a voulu rassurer le monde agricole : « Nous ne mentirons pas, nous ne trahirons pas » , a promis le jeune chef du Gouvernement conscient que les annonces du 1er février ont peut-être « fait lever les barrages » mais qu’elles n’avaient « pas fait lever les doutes ». Il a certifié avoir « entendu le cri de colère » qui résonne pour lui comme la nécessité de passer à l’action. Dans son intervention d’une demi-heure, il a indiqué que sur les 62 engagements qu’il avait pris « 100 % des chantiers étaient ouverts », dont « la moitié réalisés, 31 % avancés et 19 % engagés ». Les deux dernières catégories parce qu’elles nécessitent de modifier des mesures législatives ou réglementaires réclament des ajustements complémentaires. Gabriel Attal a également détaillé les contours du futur projet de loi pour une agriculture souveraine. Elle devra répondre à six enjeux : celui de la souveraineté agricole et alimentaire. « Nous voulons placer l’agriculture au rang des intérêts fondamentaux de la nation, au même titre que la sécurité et la défense », a-t-il indiqué. Le deuxième enjeu de cette loi sera de « mieux reconnaître le métier d’agriculteur », ce qui inclut une série de mesures comme les troubles du voisinage (le texte devrait être voté en avril) ; les retraites agricoles (« L’objectif c’est d’avoir une première mise en œuvre dans les prochains textes financiers de l’automne », a-t-il annoncé) ; et le volet restauration collective de la loi Egalim (lire encadré).
« Secteur en tension »
Cette loi qui incarne le troisième enjeu celui de la reconquête du revenu sera également améliorée et renforcée (lire encadré). Sur ce point, Gabriel Attal a annoncé un nouveau projet de loi qui devra « mieux construire le prix en marche avant », « fixer la place des indicateurs de coût de production » (interprofessionnels, ndlr) et régler le problème des « centrales d’achat européennes » « Il faut lutter contre les pratiques abusives », a-t-il insisté. Deux centrales d’achat européennes de la grande distribution qui n’ont pas respecté la loi Egalim sont d’ailleurs ciblées par des « pré-amendes » s’élevant à plusieurs « dizaines de millions d’euros », a précisé Bruno Le Maire. Une mission parlementaire sur Egalim a été confiée à deux députés de la majorité Alexis Izard (Renaissance, Essonne) et Anne-Laure Babault (MoDem, Charente-Maritime) afin de proposer d’ici la fin de l’été une évolution du dispositif. Toujours sur ce volet « revenus », le chef du gouvernement a confirmé l’exonération de cotisations patronales sur « la quasi-totalité des emplois saisonniers agricoles ». Ainsi le dispositif TODE* sera pérennisé et renforcé « dès l’année 2024 ». De même, l’agriculture sera considérée comme un « secteur en tension ». L’arrêté correspondant sera publié pendant le Salon. « L’objectif est de faciliter l’octroi de visas temporaires et d’accélérer les procédures (…) Les régularisations ne sont pas à l’ordre du jour », a précisé un conseiller du ministre de l’Agriculture. Le plan Élevage fait partie de ce volet. « Mais il est en cours de discussion ». Il devrait être présenté à l’occasion du Salon de l’Agriculture, ce qui suscite l’impatience des éleveurs.
Surtransposition
Lutter contre la concurrence déloyale est le quatrième enjeu de la future loi. Cela concerne en premier lieu les accords de libre-échange. Sur le Mercosur, Gabriel Attal a affirmé que le gouvernement se « battra produit par produit. Si c’est interdit pour nos agriculteurs, ça ne doit pas rentrer chez nous », a-t-il insisté. Comme pour mieux lier le geste à la parole, il va faire publier, le 23 février un arrêté pour interdire l’importation de produits contenant du thiaclopride, un néonicotinoïde qui est interdit dans l’Union européenne depuis 2020. Une règle que l’Europe peine visiblement à appliquer. Mais le gouvernement reste sur son objectif de diminuer les produits phytosanitaires de 50 % d’ici 2030 (lire encadré). Le cinquième volet entend faciliter la vie des agriculteurs, notamment en accélérant la simplification administrative. Le Premier ministre cible notamment « le débroussaillement, la simplification des contentieux agricoles » et veut en « finir avec la surtransposition de nos seuils d’évaluation environnementale ». Seront aussi traités les sujets suivants : dégâts de gibier, espèces susceptibles d’occasionner des dégâts (ESOD), le pied de facture pour le GNR, etc.
Avant l’été ?
Quant au dernier volet, il concerne le renouvellement des générations « Nous allons permettre le cumul des exonérations sociales au moment de l’installation – c’était une demande de longue date et nous allons relever les exonérations d’un certain nombre de taxes pour la transmission des exploitations », a expliqué Gabriel Attal. Un parcours à la transmission-installation pourrait ainsi être mis en place, dans les cinq ans précédent la retraite d’un exploitant, a précisé un de ses conseillers. Le projet de loi pour une agriculture souveraine sera présenté au Conseil d’État pendant le Salon. La haute assemblée du Palais-Royal a quelques semaines pour l’examiner et demander d’éventuels correctifs, avant un dépôt devant l’une des deux chambres au printemps. Le gouvernement vise une adoption du texte « au premier semestre 2024 », dit-on dans l’entourage de Gabriel Attal.
(*) Travailleur occasionnel-Demandeur d’emploi
Ecophyto : l’indicateur européen sera la référence
« Je vous annonce que l’indicateur de référence pour suivre notre objectif de réduction des produits phytosanitaires ne sera plus le Nodu franco-français mais bien l’indicateur européen. C’est conforme à notre volonté d’éviter toute surtransposition. C’était la demande des agriculteurs », a déclaré Gabriel Attal, « au grand dam des associations écologistes. Celui-ci maintient toujours son ambition de réduire de 50 % l’usage des pesticides d’ici 2030 ». Pour le gouvernement, l’indicateur européen a l’avantage, depuis 2011, d’être un élément de comparaison fiable entre les différents pays et de pointer les progrès et les éventuelles défaillances. Un conseiller du Premier ministre a souligné que depuis 2018, les agriculteurs français avaient réduit de 96 % l’usage des produits les plus dangereux pour la santé, de 32 % celui du glyphosate, et de 18 % les quantités de substances actives (QSA).
Une « conférence des solutions » en avril sur la restauration collective
« J’assume de vouloir que nous consommions davantage français », a déclaré Gabriel Attal avant d’annoncer « une conférence des solutions ». Cette conférence qui se réunira d’ici le mois d’avril devrait associer l’État et les collectivités locales. L’objectif est d’accélérer sur l’application de la loi Egalim. Complétée par la loi Climat et résilience, elle définit l’objectif de garantir au moins 50 % de produits durables et de qualité, dont au moins 20 % de produits biologiques, dans les repas servis en restauration collective. Cette obligation est légale depuis le 1er janvier 2022 mais peine à s’appliquer. Selon les chiffres collectés par la plateforme Ma Cantine, le taux global des achats Egalim atteignait seulement 23 % en 2021…
Christophe Soulard