- février 10, 2023
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Changement climatique : 2022, un aperçu des +2°C ?
Il est difficile d’imaginer précisément ce que sera le climat en 2050 (+2°C de moyenne mondiale par rapport à l’époque pré-industrielle) puis en 2100 (+4 ou+ 5°C) selon le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) et d’en appréhender toutes les conséquences dans le Lot, tant le phénomène est complexe. 2022 nous donne peut-être un aperçu de 2050 ?
Comparée aux normales météo de la fin du 20ème siècle, l’année 2022 présente un déficit de pluviométrie moyen de 250 mm à 350 mm et une température moyenne annuelle supérieure de +2°C à +2,5°C selon les stations météo. Tous les mois de 2022 ont été plus chauds et le nombre de jours très chauds (plus de 30 et 35°C à l’ombre) est presque le double. D’un point de vue hydrique, les fortes températures ont provoqué des Évapotranspirations potentielles (ETP) très élevées et un bilan hydrique Pluie-ETP plus déficitaire qu’en 2003 et plus déficitaire encore que les projections climatiques dont nous disposons aujourd’hui pour 2050 dans le Lot (projections produites en 2015 avec une hypothèse de non-accélération du changement climatique). Sur Le Montat, le bilan hydrique potentiel n’a été positif que 4 mois en 2022 quand il était positif 6 à 7 mois de l’année à la fin du 20ème siècle, la température a dépassé les 30°C à l’ombre 86 jours, c’est un jour sur quatre !
Bilans Pluie-ETP LE MONTAT climats types AP3C vs 2003 et 2022
Nombre jours très chauds en 2022
Changement climatique, à quoi faut-il s’attendre et pourquoi ?
Pourquoi le climat changeait périodiquement dans le passé ? Au cours de l’ère Quaternaire, la Terre a vécu des variations régulières de sa température moyenne, périodes glaciaires (température moyenne de 10°C) et interglaciaires (température moyenne de15°C), se répétant sur des périodes d’environ 120 000 ans (100 000 ans de baisse suivis de 10 000 à 20 000 ans de hausse).
Ces variations ont été initiées par des phénomènes astronomiques, légères variations de la distance au Soleil et modifications de l’inclinaison de l’axe de la Terre, de l’excentricité et de la précession, liées aux influences gravitationnelles du système solaire, appelées cycles de Milanković. Ces phénomènes astronomiques entraînent une variation très faible de l’énergie reçue par la Terre, mais suffisante pour amorcer une série de phénomènes physiques amplificateurs (modification de l’albedo avec l’apparition de calottes glaciaires, ou leur début de désagrégation, variation de la solubilité du CO2 dans les océans et variation de la teneur en vapeur d’eau de l’atmosphère en fonction de la température pour citer les trois principaux) conduisant, sur des milliers d’années, à des modifications de l’effet de serre et de l’énergie solaire renvoyée vers l’espace, entraînant des variations de température moyenne de la Terre de 5 à 6 °C entre les périodes glaciaires et interglaciaires. La solubilité du CO2 dans l’eau diminue avec l’augmentation de la température, lorsque l’océan se réchauffe, il dégaze du CO2 dans l’atmosphère, ce qui augmente l’effet de serre et réchauffe l’atmosphère. Lorsque l’océan se refroidit, il absorbe du CO2 depuis l’atmosphère, ce qui diminue l’effet de serre et refroidit l’atmosphère.
La vapeur d’eau est le principal amplificateur du changement climatique, elle est le gaz à effet de serre (GES) qui explique 60 % de l’effet de serre naturel, plus l’air est chaud et plus il peut contenir de vapeur d’eau. +1°C = +7 % de vapeur d’eau dans l’air aux températures atmosphériques. Ces phénomènes amplificateurs, appelés aussi « boucles de rétroaction », agissent dans les deux sens, pour refroidir ou réchauffer l’atmosphère selon que la Terre entre en glaciation ou se réchauffe. Les phénomènes astronomiques à eux seuls ont donc un effet très faible sur les variations de température moyenne de l’atmosphère, ce sont les phénomènes d’amplification qu’ils amorcent qui entraînent les importantes modifications naturelles du climat et les entrées ou sorties de glaciation.
Et demain, quelle vitesse et quelles conséquences?
Les cycles de Milanković étaient les événements déclencheurs des grandes variations climatiques du passé, ils étaient les « petits leviers » qui activaient lentement des « gros leviers », les mécanismes amplificateurs dont la modification de la teneur en CO2 et de l’atmosphère via les transferts de ces GES entre les océans et l’atmosphère. Avec les émissions de GES en constante augmentation depuis 150 ans, l’humanité agit directement et fortement sur ce gros levier, c’est la raison pour laquelle le changement observé et annoncé est très rapide. Après 12 000 ans de climat stable, période appelée Holocène, au cours de laquelle notre civilisation s’est développée, nous nous apprêtons à vivre un changement de température moyenne mondiale d’une ampleur identique à une sortie de glaciation mais vers des valeurs plus élevées (+4 à +5 °C en 2100, portant la température moyenne de la planète de 15°C à 20°C), non pas en 10 000 ans, mais en 100 ans.
Soit 100 fois plus vite ! Comment les écosystèmes vont réagir à un changement aussi rapide ? Comment les populations végétales, animales et humaines vont s’adapter en si peu de temps ? Quelle agriculture et quelle sylviculture pourrons nous faire dans ce contexte sous un climat en modification constante et si rapide, avec des événements climatiques extrêmes de plus en plus fréquents ? L’adaptation devra être permanente.
Fabien Bouchet-Lannat
Chargé de mission développement et innovation Service Agronomie Environnement – 05 65 23 22 22 – 06 30 60 16 22
©Crédit photo : Pixabay