• avril 25, 2024
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Journée lait cru à Alvignac : Les fromages au lait cru sont bons pour la santé du corps et du territoire

Journée lait cru à Alvignac : Les fromages au lait cru sont bons pour la santé du corps et du territoire

Le syndicat des producteurs de fromages Rocamadour a organisé une journée dédiée au lait le 28 mars à Alvignac. Environ 70 producteurs et techniciens sont venus écouter les conclusions de chercheurs scientifiques. Ils ont mis clairement en évidence que la consommation des fromages au lait cru améliore grandement la santé des consommateurs, notamment en diminuant les allergies et les infections respiratoires. Cette journée a également permis de distribuer le guide lait cru de l’AOP Rocamadour et de se l’approprier au travers d’un jeu type quiz.  

 

 

Les fromages au lait cru, c’est-à-dire non pasteurisé, sont-ils généralement bons pour la santé ? Le syndicat des producteurs de rocamadour a souhaité faire toute la lumière sur ce sujet en organisant un grand colloque à Alvignac. Le président Benoît Bonizzoni, y avait invité quelques chercheurs grands spécialistes nationaux et même internationaux du lien alimentation et santé afin de présenter leurs études « notre filière évolue dans un univers des fromages très large. La France en compte plus de quatre cents. Mais notre segment des fromages au lait cru constitue une niche haut de gamme. 75 % des fromages d’appellation Français sont au lait cru et il s’en vend 160 000 tonnes par an. C’est le cas du Rocamadour qui est entièrement au lait cru. Ils représentent nos terroirs, notre patrimoine gastronomique, nos savoir-faire et souvent l’image de la France, premier pays touristique du monde. Tous ces fromages sont l’œuvre de producteurs, de laiteries et de techniciens passionnés, fruit d’un vrai travail collectif. Mais il suffit d’un cas d’intoxication alimentaire repris par les médias nationaux pour tout remettre en cause. Nous devons donc analyser cette fragilité pour la prévenir au mieux… »

 

Histoire du Rocamadour sous le prisme sanitaire 

Dominique Chambon, qui fut président du syndicat des producteurs de Rocamadour pendant trente ans, rappelait la genèse de ce fromage qui est né de la volonté visionnaire de quelques responsables professionnels accompagnés par la Chambre d’agriculture. Que de travail accompli pour définir le cahier des charges et surtout amener les producteurs vers les bonnes pratiques à grand renfort de formation, de conseil technique et d’investissement dans des équipements adéquats « nous avons toujours voulu conserver le lait cru malgré la complexité de sa bactériologie. Cela nous a contraint à des pratiques très rigoureuses mais c’est le choix de l’excellence gastronomique car il permet une expression incomparable des saveurs, un goût authentique et inimitable. Alors, je reste convaincu que c’était le bon choix mais il faut en maîtriser les risques. Dans toutes les appellations au lait cru, la première préoccupation est le rapport bénéfice/risque et il est important de pouvoir en parler. Au niveau de notre cahier des charges, nous sommes aujourd’hui parmi les plus exigeants, puisque nous interdisons les OGM, les fourrages fermentés, afin de préserver la qualité sanitaire et organoleptique du Rocamadour. Pourtant, cela ne nous exonère pas du risque bactériologique qui reste toujours présent. A nous de le maîtriser… »

 

Risques d’intoxication 

Un agent de la DDETSPP (direction de la sécurité et de la protection des populations) présentait alors quelques grands chiffres sur les risques alimentaires en France. Ce service de l’administration est notamment chargé de la sécurité alimentaire et de la qualité des produits proposés au consommateur. Dans le monde, l’alimentation est la voie majeure d’intoxication des humains avec un million de malades par an, principalement dans les pays pauvres à l’hygiène très défaillante. Heureusement, nos pays riches sont plus rigoureux. Chez nous, 34 % à 60 % des intoxications alimentaires sont causées par des fromages au lait cru. Les alertes détectées proviennent à 84 % des autocontrôles réalisés en production, preuve de l’efficacité du système mis en place. Il soulignait que l’administration Française reconnaît et soutient les filières fromagères au lait cru, et les accompagne aux côtés des Chambre d’agriculture et des opérateurs. Il citait les principales sources d’intoxication en France : 62 % Listéria, 17 % Escherichia coli, 14% Salmonelle, 5 % Staphylococcus aureus. Le plus dangereux pour la santé notamment des personnes fragiles (jeunes enfants et personnes malades) est Escherichia coli dont quelques souches sont hautement pathogènes et peuvent générer des dégâts irréversibles sur certains organes du corps. Mais l’Union Européenne n’arrive pas à se mettre d’accord sur la définition précise de ces souches. C’est donc l’ANSES et la DGAL qui encadrent en France le plan d’actions pour s’en prémunir. L’objectif est de trouver le bon équilibre entre la gestion du risque et la viabilité de la production.

 

 

 

Microbes et santé 

Invité au colloque, Christophe Chassard est chercheur à l’INRAE, spécialiste du rôle des bactéries et de leur impact sur la santé. Il s’intéresse beaucoup aux aliments fermentés et a mené des études poussées dans ce domaine. Il soulignait « le fromage au lait cru est un aliment riche en matières premières de très haute qualité comme les protéines, les lipides, les vitamines… Il présente surtout une grande diversité microbienne qui en constitue la richesse avec plus de quarante espèces de microbes différents. Contrairement à ce que l’on pensait jadis, il faut savoir que le monde microbien est beaucoup plus notre allié que notre ennemi. En effet, plus de 98 % des microorganismes présents dans la nature sont bons pour notre santé. Seules quelques espèces sont nocives (Listeria, Escherichia coli, salmonelles…) et encore pas toutes leurs souches. En fait, l’homme partage son corps avec les microorganismes car nous avons tous un microbiote intestinal constitué d’environ 2 kilos de microbes. C’est énorme car ce microbiote compte davantage de bactéries que de cellules dans notre corps ! Les recherches ont montré que son rôle est déterminant pour assurer notre santé. En effet, ces bactéries contribuent à l’éducation de notre système immunitaire et nous préservent de nombreuses infections. La recherche travaille donc activement pour découvrir leur mode de fonctionnement en corrélation avec nos organes. Il semble que plus la diversité de ces microbes est élevée, plus la protection est efficace. En outre, la consommation de fromage au lait cru permettrait de limiter le déclin cognitif du vieillissement. Ses matières grasses laitières seraient bénéfiques pour le cholestérol. Sa consommation est donc recommandée…» Un message très apprécié par les producteurs de Rocamadour qui ont largement applaudi cet intervenant.

 

 

Lait cru et santé 

Autre invitée de prestige, la spécialiste d’immunologie clinique, Dominique Angèle Vuitton, a passé toute sa carrière de chercheuse à étudier les causes des allergies « depuis quarante ans, on constate une très forte progression des maladies auto-immunes chez les populations des pays riches. Les allergies sont ainsi passées de 5% à 35 % de notre population ! Aujourd’hui, c’est une véritable épidémie de malades qui déclenchent de l’eczéma, de l’asthme, des rhinites allergiques… Nous avons rapidement constaté que les habitants des villes étaient davantage impactés que ceux des campagnes, notamment les agriculteurs. Nous avons d’abord cru que c’était dû à la pollution mais une étude statistique poussée a montré que non. Si la pollution augmente l’intensité de ces maladies, elle n’affecte pas leur nombre. Alors, on a émis l’hypothèse de l’hygiène environnementale. Nous avons lancé une grande étude pour suivre mille familles sur cinq pays Européens pendant vingt ans. Elle a permis de suivre l’immunologie des enfants de leur naissance à l’âge de vingt ans. Les conclusions sont claires : les enfants d’éleveurs, surtout laitiers, sont mieux protégés et moins malades. L’exposition précoce aux animaux et à l’environnement de la ferme protège contre les allergies. Plus on rencontre d’animaux de ferme, meilleur c’est pour la santé. On a aussi constaté que la consommation de lait cru et de fromages au lait cru par la mère et l’enfant joue un rôle important de protection contre les infections type rhinopathies, otites, fièvres. Plus la diversification alimentaire est précoce, plus la protection est forte. Cela démontre que l’apprentissage du système immunitaire est fondamental. Cet apprentissage joue aussi bien sur l’inné que sur l’acquis. Nos recherches ont montré que c’est moins la quantité de microbes qui agît que leur diversité. Le plus important est donc la richesse du microbiote qui diminue les inflammations et les maladies immunitaires… ». Des conclusions dérangeantes pour les autorités réglementaires qui déconseillent la consommation de lait cru et de produits au lait cru pour les femmes enceintes et les jeunes enfants jusque dans les cantines scolaires ! Quelques rares intoxications alimentaires ayant défrayé la chronique et fait des victimes, le principe de précaution a prévalu pour les autorités administratives Françaises. Mais cette décision apparaît contradictoire avec la bonne santé de toute une population. Le rapport risque sur bénéfice est donc en balance.

 

 

Distribution du guide lait cru de l’AOP Rocamadour : Après le repas confectionné autour de délicieux fromages au lait cru, le syndicat des producteurs a distribué et présenté son guide des bonnes pratiques de production de lait cru 

 

Benoit Bonizzoni précisait « c’est un gros travail technique réalisé depuis plusieurs mois pour rédiger ce guide que chaque producteur doit maintenant s’approprier. Il détaille les bonnes pratiques d’élevage qui permettent de cultiver la microflore utile tout en évitant la contamination par les pathogènes. C’est un outil précieux que nous mettons à disposition de toute la filière et je tiens à remercier très sincèrement tous ceux qui ont travaillé à sa rédaction…» Plusieurs techniciens intervenaient ensuite pour détailler les différents chapitres de ce guide qui expliquent, entre autres l’origine des contaminations par les pathogènes et surtout les bonnes pratiques d’élevage pour s’en prémunir. La microflore utile est propre à chaque élevage car chaque ferme et atelier de fabrication possède son propre écosystème microbien qui lui permet d’élaborer un fromage unique, produit de son site de transformation. C’est pour cela qu’il existe autant de nuances que de fromages. Il est important d’entretenir une bonne flore utile dans l’atelier de fabrication car elle permet de lutter contre les pathogènes par l’effet de compétition microbienne. Globalement, la microflore utile se compose d’un mélange de bactéries, levures et moisissures indispensables à la coagulation du lait et à l’affinage du fromage. On trouve ensuite la microflore d’altération qui est responsable de la dégradation organoleptique du fromage, et qu’il convient de contrôler. Enfin, la microflore pathogène comprend les micro-organismes dangereux pour l’homme, principalement les Listéria, Salmonelle, Escherichia coli et Staphylocoque. Ils ne peuvent être détectés que par des analyses poussées du fromage, car il n’y a aucune manifestation de leur présence (odeur, aspect, saveur) !

 

Maîtriser le risque 

Le guide détaille de façon illustrée les bonnes pratiques d’élevage pour éviter le développement des micro-organismes pathogènes. Il rappelle que le respect du bien-être animal et des besoins des chèvres est primordial pour la production d’un lait cru de qualité, en limitant le stress, qui peut être un facteur favorisant l’excrétion de certains pathogènes comme les STEC.. Cela commence par une bonne conception du bâtiment d’élevage afin d’avoir une ambiance agréable pour les chèvres. Il convient ensuite de gérer convenablement les effluents (stockage, compostage, épandage…). L’alimentation des animaux est évidemment fondamentale car sa qualité conditionne la qualité du lait puis du fromage (stade de récolte du fourrage, conditions de stockage, distribution, qualité du pâturage…). L’observation du troupeau est importante pour connaître l’état de santé et de bien-être des chèvres. La gestion sanitaire des animaux malades implique la tenue d’un carnet sanitaire à jour. Enfin, la traite revêt une importance considérable car son hygiène influence directement la flore du lait, d’où la nécessité de bien la maîtriser : entretien de la machine à traire, hygiène des mains, ordre de passage des animaux, qualité des gestes (, branchement, décrochage…). Le stockage du lait est aussi essentiel, un entretien régulier du tank permettant de s’assurer du bon refroidissement du lait et ainsi éviter le développement des pathogènes. Véritable bible du producteur, ce guide de 70 pages très synthétique et bien illustré est disponible pour tous les opérateurs de la filière Rocamadour sur simple demande au syndicat.

 

 

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